Un siècle d'histoire de la chirurgie d'otite chronique.
Une des difficultés rencontrées dans l'étude des traitements des otites chroniques est la frontière séparant les otites en évolution et les séquelles. Selon les auteurs, les époques, et l'importance des lésions évolutives, les traitements des lésions inflammatoires et des séquelles sont séparés ou intriqués. En fait, la chirurgie de ces deux aspects de l'otite chronique ont évolué de concert. Il est intéressant de noter que la chirurgie fonctionnelle de l'oreille a véritablement commencé avec la mobilisation de l'étrier par Boucheron, puis Miot vers 1888-90, exactement à la même époque que la chirurgie des cavités de l'oreille moyenne pour les otites chroniques. Quant à la myringoplastie, terme utilisé depuis près de 30 ans lorsque le XXème siècle commençait, elle avait déjà donné lieu à des débordements d'imagination.
Pendant la dernière décennie du XIX siècle, la chirurgie de l'étrier se fit beaucoup plus d'adversaires que d'adeptes, ce qui la fit condamner sans appel en 1900. La myringoplastie pratiquée depuis l'initiative de Berthold en 1872 ne subit pas le même sort. Dans un long mémoire paru en 1902 dans les Annales des Maladies de l'oreille et du larynx, B. Gomperz (1) , privat docent de Vienne, faisait une revue très détaillée de la chirurgie de la membrane tympanique. Mais en pratique, elle connut une longue période d'hibernation. Elle était à peine évoquée dans les traités d'otologie. Il fallut attendre le début de la deuxième moitié du XX siècle pour voir resurgir l'intérêt de la chirurgie tant pour l'étrier que pour la membrane tympanique.
Depuis plusieurs décennies, les otologistes ne s'affrontent guère sur le terrain de la chirurgie des lésions inflammatoires des otites chroniques, hormis sur des questions de détails, de terminologies, de procédés techniques. Les grandes lignes ont déjà été tracées et il n'est guère possible de s'en éloigner. Il n'en était pas de même au début du siècle car cette chirurgie venait d'éclore au cours de la dernière décennies du XIXème siècle. On a peine à imaginer le grand bouleversement quapporta cette chirurgie pour les auristes habitués aux soins locaux. Ce fut en fait une véritable révolution qui dailleurs se répercuta même sur la dénomination des spécialistes des oreilles, auristes devenus otologistes. Non seulement, les otologistes s'initiaient à cette nouvelle chirurgie mais ils devaient aussi se familiariser avec une nouvelle conception de l'infection chronique de l'oreille, passant du traitement de l'otorrhée rebelle à celui de l'otite chronique, ce qui allait de pair avec une nouvelle thérapeutique. Aussi, pour comprendre l'histoire de cette chirurgie dans ce début du XXème siècle, il importe de rappeler en premier cette grande mutation de la fin du XIXème siècle. En pratique, l'histoire de la chirurgie de l'otite chronique peut être découpée en trois grandes périodes :
- une ère d'éclosion : la dernière décennie du XIXème siècle
- une ère de développement avec l'attention particulière pour une chirurgie fonctionnelle : de 1900 aux années 60
- une ère de perfectionnement jusqu'à nos jours.
A- La période d'éclosion
La notion d'otite chronique s'est substituée à celle d'otorrhée rebelle. Pendant une grande partie du XIXème siècle, les auristes traitaient des symptômes dont l'otorrhée, et non pas des maladies. Toute nouvelle thérapeutique était essayée pour tous les symptômes. Le traitement de lotorrhée chronique reposait sur le lavage et les topiques. La chirurgie prônée pour cette otorrhée avait pour but, hors les complications, de faciliter les soins locaux, quil sagisse de lossiculectomie et même de la mastoïdectomie pour laquelle Schwartze recommandait de laisser un drain antral permettant de laver l'oreille moyenne pendant des semaines. Quant à l'ossiculectomie, voici ce qu'en pensait M. Lermoyez (2) en 1901: "C'est la plus avantageuse de toutes les interventions qu'on soit amené à pratiquer contre les suppurations chroniques de l'oreille ; elle est inoffensive si elle est bien faite ; ses résultats sont merveilleux lorsque son indication a été bien saisie ; elle peut guérir en quelques jours des suppurations datant de plusieurs années. On enlève le marteau, l'enclume mais jamais l'étrier". On comprend mieux pourquoi les opérateurs qui adoptèrent la nouvelle intervention que fut lévidement pétromastoïdien nhésitaient pas à la compléter par une résection des reliquats tympano-ossiculaires.
Mais les auristes n'étaient pas les seuls médecins à s'intéresser à l'oreille. En 1888-89, Küster et Gergmann , deux chirurgiens berlinois, voulurent appliquer à l'oreille les règles de mise à plat des collections purulentes. Leurs procédés, assez voisins, consistaient à prolonger vers la caisse la mastoïdectomie de Hermann Schwartze en ouvrant l'aditus et le conduit auditif, mais en respectant l'attique. En 1890, Stacke, auriste allemand, réalisait une atticotomie avec ossiculectomie, mais sans aller en arrière jusqu'à l'antre. En 1891, Zaufal, Stacke, Schwartze, combinèrent ces deux interventions pour ouvrir largement les cavités de l'oreille moyenne. Dès lors, durant toute la dernière décennie, chirurgiens et auristes nhésitèrent plus à ouvrir ces cavités de l'oreille moyenne, modifiant la technique tout en conservant le concept. L'intervention dans les pays de langue allemande prit alors le nom de "radicale" tant elle paraissait constituer l'étape ultime et efficace pour guérir les otorrhèes chroniques, traitant le mal à sa racine.
Cette chirurgie, née en Allemagne, gagna rapidement la France grâce en particulier à des chirurgiens des hôpitaux de Paris comme A. Broca ( 3 ). La thèse d'un futur otologiste, interne en chirurgie des hôpitaux de Paris, n'allait pas tarder à marquer définitivement les esprits. C'est en 1895 qu'Aristide Malherbe présenta : "L'évidement pétro-mastoïdien dans le traitement des suppurations de l'oreille moyenne" (4). Il utilisa le terme "évidement" pour montrer l'importance du curetage de l'antre mastoïdien et de l'aditus ad antrum. Quant au terme pétromastoïdien, Malherbe précisait qu'il faisait référence au "conduit pétro-mastoïdien", appellation de l'aditus ad antrum par Sappey, célèbre anatomiste de l'époque (5 p.812).
Malherbe décrivait deux types d'évidement pétro-mastoïdien:
- "l'évidement pétro-mastoïdien", simple ouverture de l'antre pétro-mastoïdien avec curetage des cellules voisines
- "'évidement pétro-mastoïdien avec ouverture large de la caisse", complément du procédé précédent. Il s'agissait d'ajouter à la mastoïdectomie une tranchée dans la paroi postérieure du conduit osseux. Puis, l'opérateur enlevait les fongosités et les parties malades. Il terminait par lincision de la paroi postérieure du conduit fibro-cartilagineux et la mise en place d'une mèche de gaze iodoformée.
Telle était donc cette intervention dont le nom s'est perpétué jusqu'à notre époque, mais non sans avoir soulevé des discussions et entraîné des équivoques.
Il s'agissait bien, selon la description de Malherbe, d'une cavité mettant en communication mastoïde, attique et conduit auditif externe, sans résection tympano-ossiculaire systématique. Le but était d'agir "comme on agirait suivant les règles chirurgicales, en ouvrant largement les cavités de l'oreille moyenne, en enlevant les tissus malades et en rétablissant un drainage facile". Cet excellent travail, bien présenté, imprimé, était suivie d'une très riche bibliographie. Malheureusement, la notoriété de Malherbe eut à pâtir après qu'il eut proposé cette intervention pour la chirurgie fonctionnelle de " l'otite scléreuse", c'est à dire l'otospongiose, ce qui lui valu les foudres de Laurens et de Lubet-Barbo(6) lors du congrès de médecine- section otologique de 1900, qui correspondait à l'actuel congrès mondial d'ORL .
On comprend pourquoi Georges Laurens commençait son article paru en 1899 dans la Presse Médicale sur "Le traitement rationnel de l'otorrhée chronique" (7).
"La formule thérapeutique de l'otorrhée chronique est essentiellement variable pour qui la traite. En présence d'une oreille qui coule : les uns la lavent, d'autres la pansent, d'autres opèrent.
Résultats : quelquefois, le malade guérit mais souvent il continue à couler. Quant à son oreille ayant parfois perdu à la bataille un nerf facial ou acquis un vertige qu'il n'avait pas".
Il poursuivait : "On peut dire que trois grands courants dirigent la thérapeutique actuelle en matière d'otorrhée :
1- les indifférents ou sceptiques, très, trop nombreux, vieux jeu, réactionnaires convaincus, pour lesquels un écoulement de pus par l'oreille est quantité négligeable.
2- les interventionnistes à outrance, à l'étranger surtout, radicaux, véritables hystérectomistes de l'oreille, soucieux d'une belle statistique ou amateurs de nouvelles opérations, pour eux la trépanation mastoïdienne et l'évidement du rocher sont chose simpliste.
3- enfin, le camp opportuniste qui sera celui des ralliés, représentés par l'Ecole Otologique contemporaine, Ecole créée par quelques Maîtres viennois et allemands.
On n'enseigne que pour traiter une otorrhée, on doit établir le diagnostic de la cause, de la nature et du siège de la lésion, qu'il faut faire le diagnostic du mode de l'intervention opératoire."
C'est dans ce troisième camp que se plaçait Laurens, comme son Maître Lermoyez dont il était lassistant. "Le traitement doit être essentiellement rationnel et éclectique. Il est souvent suivi de succès à la condition d'être temporisateur. Il importe de se rappeler que patience et longueur de temps font quelquefois plus que gouge et curette. Après une étude minutieuse et pleine de tâtonnement de son oreille, l'auteur aborde l'étape chirurgicale en cas d'échec des différents soins locaux. Le principe en est simple. Toute fistule ne guérit que par l'incision et l'excision de son trajet. Ici, la caisse tympanique représente l'orifice externe d'une fistule borgne dont le trajet est constitué par l'aditus et l'antre. Nous transformons en tranchée ce qui était précédemment un tunnel : c'est la chirurgie à ciel ouvert
.L'intervention consiste à mettre à jour tout le système de l'oreille moyenne et de ses annexes, ainsi que l'apophyse, et constitue l'évidement du rocher. Chaque auteur lui a donné, comme il est coutume, son nom, c'est-à-dire un nom différent suivant la région où il donne son premier coup de gouge, selon qu'il va de l'antre à la caisse ou inversement. Peu importe, l'essentiel est qu'elle réalise véritablement la cure radicale de l'otorrhée. (7).
Cest à la même époque que la notion dotorrhée fut combattue au profit du concept dotite chronique, notamment par Lermoyez (2) . On ne traitait plus un symptôme mais une maladie. Cette approche permettait notamment de mieux identifier le rôle du cholestéatome qui restait cependant considéré comme une conséquence de lotorrhée. Lermoyez (8) écrivait en 1921 quil existait deux types de cholestéatome :
- le cholestéatome primitif : cholestéatome congénital
- le cholestéatome secondaire : le plus fréquent
"Ce cholestéatome secondaire est une conséquence de la suppuration chronique de l'oreille moyenne, mais par un cercle vicieux, il l'entretient à son tour et en aggrave à la fois le pronostic et le traitement". Cette notion perdura plusieurs décennies puisque, en 1949, Maurice Aubry et André Lemariey (9) admettaient encore la même conception. Le traitement du cholestéatome commençait donc par celui de l'otorrhée. Les avis divergeaient pour déterminer lindication opératoire.
En 1894, à son retour de Vienne, Lermoyez écrivait (10, p. 478) : "Quoiqu'on pense de la révolution chirurgicale actuellement en train de s'accomplir, le domaine de la thérapeutique otologique ce n'est certes pas aux auristes viennois qu'on pourra reprocher de se laisser entraîner par un enthousiasme précipité vers une rénovation qui prépare l'annexion prochaine de notre spécialité à la grande chirurgie. Quelle divergence de vues sépare Stacke et Politzer. L'un pratique systématiquement la belle opération qu'il a imaginée dans tous les cas où il constate une carie des osselets, sans s'attarder à essayer d'autres traitements préalables. Volontiers, il y recourt d'emblée s'il existe dans l'attique cholestéatome ou suppuration chronique. L'autre, plus temporisateur, n'en vient à cette extrémité qu'en s'autorisant à l'insuccès d'une thérapeutique plus douce longtemps et soigneusement mise en uvre."
En fait, à la fin du siècle dernier, les idées restaient encore confuses sur les indications respectives des différentes interventions, ossiculectomie et ouverture des cavités de loreille moyenne. Toute nouvelle thérapeutique avait des indications très larges, du moins pour certains opérateurs.
Ainsi, la chirurgie des cavités masto-atticales existait au début du siècle. Elle ne cessa de se perfectionner durant tout le siècle grâce à l'accumulation de détails. Le progrès porta surtout sur :
- l'élargissement du conduit fibro-cartilagineux donnant lieu à de nombreuses descriptions ,
- le comblement de la cavité mastoïdienne .
Deux grandes étapes restaient à franchir :
- le respect de la fonction
- la reconstitution tympano-ossiculaire.
B- La période de développement
Cette période a été marquée par une amélioration dans la réalisation chirurgicale des cavités tout en essayant non seulement de conserver laudition, mais aussi de reconstruire un système tympano-ossiculaire altéré.
1- Le respect de la fonction.
Dès le début du XXème siècle, plusieurs auteurs insistèrent sur l'importance du respect des reliquats tympan-ossiculaires, notamment Heath en 1904, et Bondy en 1908. Les modifications apportées au classique évidement engendrèrent une nouvelle terminologie pas toujours bien comprise.
L'autre progrès au cours des deux premières décennies du XXème siècle a porté essentiellement sur la qualité de la réalisation de la cavité, notamment sur l'abaissement du mur du facial. L'évidement pétro-mastoïdien était devenu une intervention difficile, sculptant littéralement les éléments nobles de l'oreille. En fait, c'était une intervention réservée seulement à quelques opérateurs. Aussi, certains opérateurs, pour éviter les complications, se contentaient de faire une antro-atticotomie beaucoup moins dangereuse qu'un évidement classique.
En 1942, Ramadier expliquait (11) que, depuis quelques années, il avait abandonné l'évidement pétro-mastoïdien total (celui où on abaisse totalement le mur du facial) pour lui substituer une opération plus économique qu'il appelait "évidement antro-attical". L'intervention limitait son action à l'antre et à l'attique dont elle supprimait le contenu ossiculaire. Elle respectait la membrane tympanique et la caisse. Elle avait pour but d'assurer l'exérèse totale des lésions atticales. Pour Ramadier, elle s'opposait :
- à l'évidement total ou opération radicale des auteurs allemands
- et à l'antro-atticotomie simple, encore appelée "évidement partiel" en France, "radicale conservatrice" en Allemagne, "atticotomie transmastoïdienne" de Sourdille. Selon les cas, Ramadier résèquait la paroi postérieure du conduit osseux ou la respectait.
Par sa publication, Ramadier cautionnait les cavités incomplètes avec conservation plus ou moins grande de la paroi postérieure. Cette conception se distinguait donc de l'évidement classique avant tout au niveau de la paroi postérieure du conduit. La terminologie utilisée entraînait une équivoque, concernant :
- d'une part, le terme "évidement" qui au début portait uniquement sur la cavité et qui, dès lors, intéressait le contenu de la cavité de l'oreille moyenne
et d'autre part, le terme "radical" qui, initialement, signifiait efficacité et qui devenait, "la grande opération" avec sacrifice tympano-ossiculaire.
Le derniers progrès concernant la chirurgie des cavités de l'oreille moyenne a été apporté par Claus Jansen en 1958 avec la tympanotomie postérieure. Cette ouverture de la caisse par voie mastoïdienne permettait la reconstruction de la membrane tympanique et de la chaîne ossiculaire tout en conservant le conduit osseux et en contrôlant parfaitement les cavités. Associée à une reconstruction tympano-ossiculaire, cette chirurgie des cavités ainsi conçue constituait le fondement de la tympanoplastie moderne avec conservation du conduit.
2- La reconstruction tympano-ossiculaire.
Les noms de Zollner et de Wüllstein sont passés dans l'histoire des pionniers de la chirurgie reconstructive des otites chronique. En fait, dès 1929, Maurice Sourdille avait donné les bases de la tympanoplastie, tant pour l'abord de la caisse que pour le traitement des lésions d'otite chronique (12) Le rôle de Maurice Sourdille dans cette mutation de la chirurgie de l'otite chronique a probablement été occulté par ses travaux sur la fenestration ( 13).
En1950, un auteur allemand, Moritz, proposa dutiliser un lambeau cutané pour créer une cavité tympanique fermée, isolant la fenêtre ronde, dans certaines séquelles dotite chronique pour lesquelles une fenestration semblait possible. Dès lannée suivante, Zollner, puis Wüllstein, appliquèrent le même principe dans la réfection dune cavité comprenant les deux fenêtres, et substituèrent un greffon libre de peau au lambeau de Moritz. On leur doit le concept de reconstruction du tympanum ou tympanoplastie en agissant non seulement sur la membrane mais aussi sur les osselets. Ils classèrent ces reconstructions en plusieurs types qui restent encore des références actuellement. Mais l'enthousiasme de ces reconstructions était souvent rendu éphémère par les mauvais résultats lointains liés dus à la reconstruction de la membrane par de la peau. Les avis divergeaient pour expliquer les échecs, liés selon les auteurs au greffon trop épais ou trop aminci, à la région de prélèvement avec cependant une prédilection pour la région rétroauriculaire, au caractère pédiculé ou non de la greffe. Dautres matériaux furent proposés comme le périoste de tibia. Le grand progrès fut l'utilisation de l'aponévrose temporale par Ortegren, (1958), Heermann (1961), Stors (1961).
De même, la continuité ossiculaire pouvait être rétabli. Zöllner créa le terme deffet columellaire, par analogie avec la columelle des oiseaux.
Ainsi, à la fin des années 50, tous les ingrédients étaient en place pour réaliser la chirurgie moderne de l'otite chronique avec le concept de "tympanoplastie en technique fermée" toujours d'actualité.
C- La période de perfectionnement.
Elle s'étale sur les quatre dernières décennies du siècle. Elle est marquée essentiellement par une amélioration considérable de l'environnement opératoire, un foisonnement d'essais de matériaux en tous genres, vivants ou inertes, de nouvelles terminologies qui n'atteignent pas toujours le but recherché de meilleure identification. C'est ainsi que l'évidement pétro-mastoïdien est devenu une technique ouverte, englobant ainsi sous une même dénomination la cavité d'évidement initialement décrite et les diverses cavités d'antro-atticotomie avec sacrifice incomplet de la paroi postérieure du conduit osseux. La tympanoplastie sur cavité d'évidement est devenue tour à tour aménagement de la caisse puis petite caisse, alors que ce terme avait déjà été utilisé par Moritz en 1950 pour signifier le déphasage des fenêtres ovales et rondes.
La chirurgie proprement dite des cavités des l'oreille moyenne pour les otites chroniques a subi deux grands courants au cours des dernières décennies. D'une part, elle a été marquée par le développement de la technique fermée. D'autre part, les techniques " entrouvertes" type antroatticotomies avec sacrifice partiel du massif facial ont suffisamment montré les aléas de cicatrisation pour être abandonnées.
La réalisation de cette chirurgie de l'otite chronique a bénéficié, dans cette deuxième moitié du XXème siècle d'innombrables progrès techniques concernant notamment l'imagerie, l'anesthésie, les moyens optiques, les biomatériaux, les conditions de surveillance post-opératoires. La rapidité n'est plus un facteur de sécurité comme elle pouvait l'être au début du siècle. Lors de son séjour à Vienne, Maurice Sourdille avait noté la durée opératoire: Urbantschitsch avait mis 15 minutes pour une radicale type Stacke , et Bondy 14 minutes pour une radicale type Schwartze (14).
Certes, le fraisage du rocher était connu dès la fin du siècle dernier, avec le tour à pédale des dentistes. On trouve dans la littérature du début du siècle la description du tour électrique (15). Mais l'utilisation des tours n'était pas dénué de danger; lorsque le flexible se "grippait", l'opérateur risquait de perdre le contrôle de la fraise. L'apparition des turbines et des microtours a permis une chriuirgie plus précise. Il en fut de même avec le microscope opératoire (16).
La chirurgie de l'otite chronique muqueuse à tympan fermé.
Elle mérite une place à part si tant est que la mise en place d'un aérateur soit un acte chirurgical. Il est intéressant de rappeler que cette chirurgie naquit vers le milieu du siècle dernier et subit une éclipse totale pendant plus d'un demi-siècle. Dés 1845, la mise en place dune canule en or (17) fut essayé pour maintenir louverture tympanique. En 1860, Bonnafont montrait l'intérêt d'un tel aérateur et en créait plusieurs modèles. Un peu plus tard, Politzer proposait un aérateur en caoutchouc durci. Mais dès la fin du siècle, ce traitement était seulement mentionné par quelques auteurs et abandonné par la plupart. Il fallut attendre 1954 pour que Armstrong redécouvre ce procédé.
Conclusion
Il est intéressant de comparer l'histoire des trois thérapeutique chirurgicale de l'oreille qui concernent les otites chroniques avec otorrhée, les otites chroniques à tympan fermé, et la chirurgie de l'étrier, nées au siècle dernier. Seule la chirurgie de l'otite chronique avec otorrhée s'est développée tout au cours du siècle, alors que les deux autres connaissaient une longue période d'occultation. Mais dès le début des années 60, ces trois types de chirurgie connurent un essor qui n'a pas encore fléchi. S'il n'est pas possible de prévoir l'avenir, on peut cependant penser que les nouvelles conceptions concernant l'inflammation chronique de l'oreille moyenne auront des répercussions sur las attitudes thérapeutiques.
1- Gomperz B. De l'amélioration des troubles de l'audition, suites d'otite suppurée Annales.Annales des maladies de l'oreille, du larynx, du nez et du pharynx, 1902, 28, 297-326
2-Lermoyez M. Thérapeutique des maladies de l'oreille M. Lermoyez et M. Boulay Tome II Octave Doin Ed. Paris 1901 p. 83
3-Broca A. Opérations sur l'apophyse mastoïde Annales des maladies de l'oreille, du larynx, du nez et du pharynx. 1895, 21, ???
4-Malherbe A. L'évidement pétro-mastoïdien dans le traitement des suppurations de l'oreille moyenne". Thèse Paris 1895, Société d'Éditions scientifiques Ed. Paris 142 p.
5- Sappey Ph. C., Traité d'anatomie descriptive, 4 ème édition, Tome III; Paris Lecrosnier et Babé Eds 1889, 870p.
6-Laurens G. La chirurgie de la surdité. Le procès de l'otite scléreuse devant le congrès d'otologie de 1900 Extrait de la presse médicale 1901, n°32, 20 avril Georges Carré et C Naud Ed. Ed. Paris 1901, 42 p.
7-Laurens G. Le traitement rationnel de lotorrhée Extrait de la Presse Médicale n° 103, 27 décembre 1899. Georges Carré et C Naud Ed. Ed. Paris 1899, 32 p.
8-Lermoyez M., Boulay M. et Hautant A. Traité des affections de l'oreille Tome I Paris Octave Doin 1921, 436p.
9- Aubry M. Lemariey A. Précis d'oto-rhino-laryngologie.Paris Masson Eds 1949, 13154p.
10-Lermoyez M. Rhinologie, otologie, laryngologie. Enseignement et pratique de la faculté de médecine de Vienne. Paris, Georges Carré Eds. 1894, 539p.
11- Ramadier J-A et Eyriès Technique de l'évidemment antro-attical. Annales d'oto-laryngologie, 1942, n°10,11,12, 157-166 et 1943 n°1,2,3 1-9
12-Sourdille M. Le traitement chirurgical conservateur des suppurations chroniques de l'oreille moyenne. Atticotomie et attico-tympanotomie transmastoïdienne. Annales des Maladies de l'oreille, du larynx, du nez et du pharynx 1929; 48: 690-699
13-Legent F. La tympanoplastie et Maurice Sourdille A paraître
14- Sourdille M. Notes manuscrites au cours d'un séjour à Vienne en juin-juillet 1914
15-Botey R. La trépanation de l'oreille et du crâne au tour électrique. Annales des Maladies de l'oreille, du larynx, du nez et du pharynx 1907; 33: 20-38
16-Legent F. Le microscope opératoire et Maurice Sourdille A paraître
17-Lévi M. Des divers moyens proposés pour maintenir ouverte une perforation chirurgicale de la membrane. Annales des maladies de loreille et du larynx.1975;1:349-356